Le gouverneur de la Banque du Canada ne devrait pas changer de voie et compromettre la négociation collective

2 août 2022
Nous ne sommes plus dans les années 1970; rien n’indique que nous assistons à une spirale salaires-prix. Pourquoi donc Tiff Macklem met-il en garde contre la hausse des salaires plutôt que la recherche de profits des entreprises?

Par Bea Bruske, tel que publié dans le Toronto Star*

Le gouverneur de la Banque du Canada a été mis en vedette cette année. Tiff Macklem a joué un rôle de tête d’affiche sur la scène où se joue le drame de l’inflation au Canada. Il était prévisible que M. Macklem soit le porte-parole de la Banque pendant qu’elle établissait la politique monétaire et haussait les taux d’intérêt. Ce qui a été plus étonnant, c’est que M. Macklem a aussi joué périodiquement le rôle de méchant portier de Pierre Poilievre au cours de la course à la direction du Parti conservateur. Et le mouvement syndical ne s’attendait vraiment pas à ce que le gouverneur joue en outre un rôle de figurant partisan des employeurs à la table de négociation avec les travailleurs et travailleuses.

Le jour où la Banque du Canada a haussé les taux d’intérêt de 100 points de base, M. Macklem a incité un groupe de pression patronal à freiner les charges salariales. Même si les salaires accusaient un retard par rapport à l’inflation, il déconseillait à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) d’incorporer des salaires plus élevés aux contrats de travail. Cela a consterné de nombreuses personnes – car la Banque du Canada n’a assurément pas pour rôle de nuire à l’exercice du pouvoir de négociation collective des travailleurs et travailleuses. Pas plus que les syndicats du Canada ont pour rôle d’affaiblir la capacité du gouverneur de la Banque d’établir la politique monétaire.

Il semble que M. Macklem ait suivi les conseils des milieux financiers et des économistes bancaires qui ont passé des mois à brandir le spectre d’une spirale salaires-prix, qui semble les hanter comme un signe de l’Apocalypse.

Le fait est que nous ne vivons pas au cours des années 1970 et que rien ne porte à craindre une spirale salaires-prix. En 2022, les frais salariaux continuent d’augmenter à un taux très inférieur à l’inflation, et ils amortissent celle-ci plutôt que de la favoriser. En fait, les salaires accusent un retard par rapport à l’inflation depuis des décennies. Dans le secteur public, certaines personnes n’ont pas vu augmenter leur salaire depuis des années car les négociations se poursuivent des années après l’expiration de leur convention collective. Les membres du personnel de sécurité du lieu de travail de M. Macklem sont en négociation collective cette année. Le gouverneur soutient-il que l’employeur devrait faire fi de leurs revendications d’augmentations salariales?

Pendant que les salaires traînent de l’arrière, les profits des entreprises montent en flèche. Nous avons vu de plus en plus d’indications que les grandes entreprises profitent de la crise actuelle pour hausser les prix et accroître grandement leurs profits, ce qui alimente l’inflation. Pourquoi M. Macklem met-il en garde contre les salaires plutôt que contre le problème de la recherche de profit des entreprises?

Le gouverneur de la Banque du Canada semble dire aux entreprises que les membres de leur personnel ne pourront pas appuyer leurs revendications d’augmentations salariales et qu’il ne vaut donc pas la peine d’y satisfaire. La Banque du Canada prévoit-elle – ou promet-elle – que le chômage augmentera et que le pouvoir de négociation des travailleurs et travailleuses diminuera?

J’en connais un rayon sur la négociation collective puisque j’ai pris place à la table de négociation pendant des années. Et je sais que le fait que les employeurs se disputent les travailleurs et travailleuses – plutôt que d’obliger les travailleurs et travailleuses à rivaliser uniquement pour trouver un emploi – comporte d’importants avantages économiques et sociaux. Nos communautés peuvent réduire l’inégalité dans ces conditions car les travailleurs et travailleuses à bas salaire, vulnérables et marginalisés réalisent des gains supérieurs quand le marché du travail se resserre.

Je sais que lorsque les travailleurs et travailleuses sont forts et agissent collectivement, on assiste à une amélioration des possibilités, à une hausse de la qualité de la vie et à une expansion de la classe moyenne. Et je sais que le fait de prendre parti pour les employeurs plutôt que pour leur personnel témoigne nettement de préjugés dans l’approche.

Bien que nous nous attendions à ce que certaines entreprises militent en faveur de la réduction des salaires et de l’augmentation de leurs profits, nous ne nous attendons certainement pas à ce que la Banque du Canada les appuie. Il est d’une importance cruciale que la Banque du Canada cesse immédiatement de transmettre des messages qui compromettent le pouvoir de négociation collective des travailleurs et travailleuses. Ces derniers et leurs syndicats doivent avoir le droit de négocier des ententes équitables sans subir d’influence indue de puissantes forces extérieures. Nous prions instamment M. Macklem de voir à ce que la Banque du Canada se mêle de ses affaires – et se tienne loin de la table de négociation.

La Banque du Canada a joué un rôle important en amortissant les effets de la crise financière au début de la pandémie. Elle ne doit pas perdre le nord maintenant.

-30-

Bea Bruske est la présidente du Congrès du travail du Canada. Suivez-la sur Twitter @PresidentCLC

*Certains des liens ne sont disponibles qu’en anglais.

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