Bea Bruske : La Banque du Canada devrait cesser de hausser les taux pour prévenir une récession fabriquée

6 décembre 2022

Article de Bea Bruske paru dans le Financial Post

La Banque risque d’affaiblir considérablement notre économie et de mettre des centaines de milliers de personnes en chômage

La population canadienne, qui encaisse une combinaison une-deux de prix astronomiques des produits de première nécessité et de hausse des frais de carte de crédit, des hypothèques et des autres factures, n’a certainement pas besoin pour le moment d’une récession qui risquerait de causer des pertes d’emploi massives et un, bouleversement économique. Or, c’est précisément ce qui pourrait arriver si la Banque du Canada relève les taux d’intérêt mercredi pour la septième fois en neuf mois.

La Banque du Canada, sous la direction de son gouverneur Tiff Macklem, a déjà relevé les taux d’intérêt plus rapidement que les banques de presque tous les autres pays. Les relèvements ont laissé des millions de Canadiens et Canadiennes devant des paiements de crédit exorbitants. Au total, les dettes de crédit sont de 2,29 billions de dollars au Canada, selon le rapport Credit Industry Insights de la SARL TransUnion sur le 3e trimestre de 2022. Les relèvements des taux d’intérêt ont même mis la Banque du Canada à découvert pour la première fois de son histoire, lui faisant essuyer une perte de 522 millions de dollars au cours du troisième trimestre.

Les banques centrales haussent les taux d’intérêt pour refroidir l’économie et juguler l’inflation, mais M. Macklem ne fait pas que resserrer la politique monétaire. Il mène une campagne de relations publiques suivie contre une croissance des salaires inexistante, soutenant que ce sont les salaires qui alimentent l’inflation. Il n’y a aucune preuve que les salaires alimentent l’inflation. Selon l’Enquête sur la population active de Statistique Canada publiée vendredi, les augmentations salariales accusent un retard par rapport l’inflation plutôt que de l’entraîner.

Dans un récent rapport du Congrès du travail du Canada et du Centre for Future Work intitulé Un remède pire que la maladie? Pour mieux comprendre l’inflation et ce qu’il faut y faire, l’économiste Jim Stanford présente des preuves que les augmentations salariales ne causent pas l’inflation. M. Stanford fait remarquer que c’est le pouvoir d’établissement des prix des entreprises canadiennes qui fait augmenter les prix, ce qui gonfle les comptes des entreprises en y injectant des profits astronomiques et inédits. En 2022, les profits des entreprises du Canada ont atteint une part du produit intérieur brut (PIB) plus élevée que jamais. Ces profits ont augmenté trois fois plus rapidement que les salaires depuis 2019.

Malgré tout cela, M. Macklem s’obstine à annoncer que la Banque du Canada continuera à relever les taux d’intérêt, même si cela met notre économie au bord d’une dommageable récession. En maintenant sa politique myope consistant à ramener l’inflation à la cible de 2 %, la Banque risque d’affaiblir grandement notre économie et de mettre des centaines de milliers de personnes en chômage.

Si la Banque du Canada est déterminée à fabriquer une récession économique, nous savons que le prix n’en sera pas partagé également. Pas plus tard que la semaine dernière, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a annoncé que la pauvreté et l’inégalité des revenus augmentent dans le monde entier alors que le pouvoir d‘achat des gens diminue. Le Rapport mondial sur les salaires publié dernièrement par l’OIT indique que, pour la première fois de l’histoire, la valeur des salaires réels a baissé en 2022, de 0,9 %, et que cela nuit le plus aux travailleurs et travailleuses et aux ménages à bas salaire.

L’OIT soutient que cela risque non seulement de compromettre la reprise après la pandémie mais aussi d’alimenter l’agitation sociale grandissante. Pendant que l’enquête sur le convoi d’occupation d’Ottawa se termine et que les audiences sur l’insurrection survenue le 6 janvier 2021 aux États-Unis prennent fin, nous ne devrions pas prendre à la légère la perspective d’une crise économique fabriquée de toutes pièces qui alimenterait le malaise social croissant. Actuellement, le fait de refroidir encore davantage notre économie — et de la plonger dans une récession dommageable causée par la politique monétaire — ne fera qu’aggraver la situation.

Mercredi, quand il annoncera la décision de la Banque du Canada sur les taux d’intérêt, M. Macklem devrait tenir compte du bien-être des travailleurs et travailleuses et des familles qui paient déjà le gros du prix de la crise du coût de la vie. Cela devrait le porter à freiner le relèvement des taux d’intérêt et à prendre le temps d’évaluer les effets des relèvements antérieurs avant de hausser les taux de nouveau.

Bea Bruske est la présidente du Congrès du travail du Canada.

*Certains des liens ne sont disponibles qu’en anglais. 

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