Défendre les droits fondamentaux — nos inquiétudes sur le projet de loi C-9
Le CTC condamne toutes les formes de haine, de discrimination et de harcèlement. Nous continuons à lutter pour les droits qui font du Canada un pays libre et démocratique.
C’est pour cela que nous nous opposons, comme d’autres organisations de la société civile, au projet de loi C-9, Loi visant à lutter contre la haine.
La version de ce projet de loi qui fait l’objet de débats à la Chambre des communes risque de porter atteinte à la liberté d’expression et à la liberté d’association obtenues de haute lutte, sans que nous puissions y faire grand-chose.
Le parlement ne devrait pas adopter ce projet de loi sans le modifier considérablement. Tel qu’il est rédigé, il menace les droits syndicaux, les libertés fondamentales, le droit de protester et la reddition de comptes au public.
Dans le projet de loi C-9, le gouvernement fédéral propose de créer trois nouvelles infractions : une infraction de crime haineux, une infraction consistant à fomenter volontairement la haine contre un groupe identifiable et une infraction d’intimidation.
Le Canada a déjà des infractions criminelles visant à combattre les méfaits, l’intimidation et le harcèlement. La police a déjà les « pouvoirs accessoires » nécessaires pour créer des zones d’exclusion dans le cadre des manifestations, ce qui lui permet de restreindre notre liberté d’expression et notre droit de manifester pacifiquement. Trois villes canadiennes (Toronto, Vaughn et Ottawa) ont établi des règlements municipaux sur les zones tampons afin de protéger les groupes identifiables contre la haine et le harcèlement dans l’accès aux soins de santé (cliniques d’avortement), aux écoles et aux lieux de culte.
Il n’est pas nécessaire d’établir des lois équivalentes et de donner des pouvoirs supplémentaires aux forces de l’ordre.
Nous devons défendre les droits fondamentaux qui permettent aux Canadiennes et Canadiens de participer pleinement à notre société et d’exprimer leur dissidence sans crainte. Dans le climat politique actuel, il est plus important que jamais de défendre ces libertés de base.
Le projet de loi a été déposé alors que nous assistons à d’alarmantes violations des droits aux États-Unis. La garde nationale de ce pays est déployée dans des villes pour appréhender et expulser des personnes immigrantes sous prétexte de combattre le crime. Le ministère de la Justice et le Service de l’immigration et des douanes des É.-U. ont arrêté, accusé et condamné des manifestants pour s’être prononcés contre les descentes de l’immigration et avoir participé à des manifestations de solidarité à l’égard de la Palestine. Le gouvernement Trump continue à s’en prendre à des communautés vulnérables — y compris les personnes trans et immigrantes — en même temps qu’il affaiblit les droits conférés par le Premier amendement.
Nous ne pouvons pas permettre que les droits fondamentaux soient affaiblis ou compromis au Canada. Nous devons nous assurer que chaque personne habitant le Canada puisse participer pleinement à la société et s’exprimer sans crainte.
Nous avons déjà vu ces tendances de la gouvernance des É.-U. traverser subtilement la frontière. Depuis l’investiture de Trump, nous avons assisté à une guerre tarifaire considérable et effrayante, à des pressions faites pour que nous cédions aux exigences des É.-U. et à un effort d’accroissement de la sécurité à la frontière et de répression des personnes migrantes et réfugiées.
Voilà pourquoi nous avons de graves inquiétudes au sujet du projet de loi C-9. S’il n’est pas amendé, il portera atteinte aux droits démocratiques de base et élargira les pouvoirs de l’État de manières qui mettront en péril les travailleuses et travailleurs et les communautés marginalisées.
Le projet de loi C-9 rend plus facile à l’État de poursuivre des gens parce qu’il élargit les pouvoirs discrétionnaires de la police et élimine la nécessité d’obtenir le consentement du procureur général. S’il n’est pas amendé, ce projet de loi réduira les exigences pour que des accusations criminelles soient portées et donnera aux forces de l’ordre de vastes pouvoirs dont l’exercice ne sera guère surveillé.
Cela ouvre la porte à la criminalisation des manifestations et de l’action collective pacifiques. Faute d’amendement, le projet de loi nuira démesurément aux communautés autochtones, noires et racialisées.
La menace pour les travailleuses et travailleurs est claire. La Charte a beau garantir le droit de grève — le projet de loi C-9, s’il n’est pas modifié, amoindrira ce droit et fera de certains moyens de pression légaux des infractions criminelles rendant passibles d’un maximum de 10 ans d’emprisonnement. Cela constitue une atteinte directe au mouvement syndical et à la liberté d’association.
Les termes larges et vagues du projet de loi accroissent ces risques. Faute d’un amendement, le projet de loi accordera de vastes pouvoirs sans exiger de reddition de comptes, mettant ainsi en danger la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la participation à la démocratie.
Nous voulons tous mettre un terme aux crimes haineux et voir à ce que les gens puissent vivre en sécurité dans leur collectivité. Mais le projet de loi C-9, s’il n’est pas amendé, n’aura pas ces effets. Il aura plutôt pour effet d’affaiblir les libertés mêmes qui gardent les gens en sécurité — le droit de se prononcer, de se mobiliser et de participer pleinement à la société.
Nous avons riposté fermement aux droits de douane des É.-U. Nous devons nous opposer avec la même détermination à tout projet de loi qui, s’il n’est pas amendé, amenuisera nos droits ici au Canada.